En cherchant un mot clé dans mes textos l’autre jour, je suis tombée sur un texto de mon père. Je suis restée là à fixer mon téléphone pendant 10 secondes, gorge serrée. Je m’interdis d’ouvrir tout ça depuis 1 an et demi mais ce jour là, dans un élan incontrôlable, j’ai cliqué et soudain, c’est comme si son absence me ressautait à la tronche. Il y’en a beaucoup. Me voilà en train de faire défiler la conversation. Mon doigt tremble et je scrute chacun de ses mots qu’il a tapé de SES doigts dans une autre réalité.
Mon père n’a pourtant jamais été très texto. D’ailleurs, quand il devait répondre à quelqu’un, il me demandait toujours de le faire à sa place si j’étais là. L’univers de l’internet était tout aussi étrangé pour lui à l’exception de YouTube. Il y prenait plaisir à chercher les téléfilms américains « catastrophe » les plus nuls. On s’est bien marré avec ça. On s’est baladé des après midi entières sur Google street, dans des pays où ni lui ni moi ne sommes jamais allés. « Bon, on va où maintenant ? Au Brésil ? Au Japon? ». On s’est bien marré avec ça aussi.
On pouvait passer des heures à parler, à refaire le monde, à écouter de la musique. Il avait une culture musicale et cinématographique monstrueuse. J’ai peur d’oublier tout ça. Le son de ses rires, de sa voix, l’image de sa gestuelle et sa manière de dire les choses sont déjà moins vifs dans mon esprit qu’il y’a 1 an. Je suis terrifiée à l’idée de perdre tout ça.
Ses pulls ne sentent plus son odeur.
Je le cherche partout, dans notre maison dans les Cévennes. C’était son endroit préféré au monde. Cette maison perchée et perdue dans les montagnes. Dès qu’il avait un moment il y courrait. Seul, avec les potes, avec moi, ma mère.
Pendant le déménagement je suis tombée sur une pochette dans sa chambre dans laquelle il y rangeait des choses précieuses à ses yeux. Mon père était très minimaliste, il ne s’encombrait pas de choses superflues pourtant dans cette pochette j’y ai trouvé une liste. Cette liste datait de l’été 2018 et on y avait listé, tous les deux, toutes les choses « urgentes » à faire en terme de « débroussaillement » (oui, une maison dans la forêt c’est pas de tout repos, surtout quand on y passe seulement 2 mois dans l’année). Cette liste était à moitié une blague. On y avait ajouté des conneries, certaines déjà faites juste pour avoir le plaisir de les barrer ! C’était la première fois qu’on passait autant de temps seulement tous les 2, là bas. C’était notre dernier été.
Si il est quelque part c’est certain qu’il a choisi cet endroit. Pourtant, même là bas, toujours le même silence quand je lui parle.
Je pleure en écrivant ces mots que personne ne lira. Je ne sais d’ailleurs même pas pourquoi je poste ça.
J’ai l’impression d’être dans une autre dimension maintenant. Je ne comprends toujours pas pourquoi c’est arrivé si subitement, si brutalement, si tôt.
4 réponses à “Papa”
c’est très émouvant, les disparitions nous sautent dessus parfois …
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Tu as été lu. Ton témoignage est beau. Et touchant.
Bel hommage à ton père ❤️.
Je te présente également mes condoléances.
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Merci beaucoup pour ce gentil commentaire ! 🥲
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❤️
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